Le jour où... Ils nous ont annoncés la nouvelle

Depuis que nous nous étions quittés, Loan et moi, j'évitais le plus possible de le rencontrer. Tout comme Gwen d'ailleurs. Je n'arrivais plus à la regarder en face. Toutes ces heures à l'écouter, à sécher ses larmes alors que la source de toutes ses souffrances était juste devant elle. Je ne pouvais plus le supporter. Tout comme je ne supportais plus de voir le visage de Loan.

Je me revoyais contre lui. Je me sentais tellement nue, fragile, sans aucune barrière pour me protéger lorsqu'il était là. Comme si tout mon corps lui appartenait. Il avait parcouru de ses lèvres tous les recoins de ma peau. Je ressentais encore parfois ses caresses et son souffle dans mon cou. Il m'était devenu impossible de le regarder comme avant. Avant que tout cela ne commence. Avant que l'on mente à tout le monde. Avant que l'on soit amant.

Arnaud ne comprenait bien évidemment, pas mon changement d'attitude. Moi si joviale, si encline à voir nos amis, je m'étais du jour au lendemain complètement renfermée sur moi-même. Je ne lui parlais quasiment plus, sans parler de nos longues nuits sans nous toucher. Je m'en voulais tellement d'avoir trahit sa confiance. Je restais allongée, en silence, laissant mes larmes innonder mon visage et mon oreiller, en retenant tant bien que mal mes soupirs à m'en déchirer la gorge.

J'en étais là de mes tourments lorsqu'un soir ils ont débarqué chez nous à l'improviste. Quand j'ai vu leurs visages derrière les fenêtres. Quand j'ai apperçu son regard, son sourire. Je suis restée figée. Que faisaient-ils ici ? Pourquoi venaient-ils sans même prévenir ? Pourquoi semblaient-ils si heureux ?!

Arnaud leur ouvrit et je me retrouvais bien vite obligée de revêtir mon costume d'amie en souriant, enlaçant et m'intéressant à ce qui m'était totalement indifférent.

"Vous nous payez à manger ? On a ramené de quoi boire !"
"Ca fait tellement longtemps qu'on ne s'est pas vu ! s'exclama Gwen en me serrant dans ses bras.
"Oui, Camille avait pas mal de boulot avec son dernier livre" répondit Arnaud en me lançant un regard en coin. Il venait de me sauver, de donner une fausse excuse dont seul lui, Loan et moi-même savions que ce n'était pas la vrai raison chacun avec nos présupposés.

Nous passions donc à table. Le repas fut agréable ponctué par les annecdotes, les causeries de Gwen qui semblait ne pas avoir parlé à grand monde ces derniers jours tellement son flot de parole était important. Mais rien. Aucun indice ne m'apparut sur leur venue impromptue dans notre maison. Ils étaient là à bavarder comme si de rien était et il fallait bien reconnaitre que pour deux d'entre eux c'était le cas. Mais pour Loan ! Comment arrivait-il à rire, à se tenir assis à côté de son ami en sachant qu'il lui avait pris sa copine ?!

Je n'en pouvais plus. Prise d'un élan soudain je me levais et venait me prendre un verre d'eau sous leur regards interrogateurs.

"Ca ne va pas Camille ?"
"Pas trop non. Je ne sais pas, je suis comme prise de nausée..."

"Oh non ! Ca devait être une si belle soirée !" claironna Gwen
"Pourquoi ça ?" demanda Arnaud
"Bon... Maintenant qu'on y est autant vous le dire... Loan m'a fait sa demande !"

La phrase, le sourire de Gwen, le haussement d'épaule innocent de Loan, le visage surpris de Arnaud. Tout. Tout se bouscula dans mon esprit. Sa... quoi ? Qu'est-ce qu'il a demandé ?! C'en était trop. Ca y est j'avais vraiment la nausée. Je les laissais à leurs accolades, leurs félicitations hypocrites et courais me faire vomir.

Loan me rejoint dans la salle de bain alors que je me passais de l'eau sur la figure, sur les bras... Si j'avais pu prendre une douche pour me laver de cette affreuse sensation qui me collait à la peau je l'aurais volontier fait.

"Ca va mieux ?"

"Comment voudrais-tu que ça aille "mieux" ? Tu l'as demandé en mariage ! Tu t'en rends compte au moins ?"
"Hé! C'est bien ce que tu voulais non ? Que je fasse ma vie avec elle ! Alors c'est ce que je fais !"
"Mais pas comme ça ! Pas en précipitant les choses, en allant trop vite ! En la faisant souffrir !"

"Parce que tu crois qu'elle souffre ?" Il sourit. Son vicieux sourire. "Elle n'a jamais été plus heureuse que grâce à moi !"
"Ce n'est pas bien Loan. Tu as fait ta demande pour de mauvaises raisons et tu le sais..."
"Pas du tout ! C'est toi qui le dis. Pour moi ce sont de très bonnes raisons : je l'aime"

Je restais sans voix un bref instant. Ces mots étaient tellement forts. Si intenses. Il n'aurait tout de même pas pu les utiliser uniquement pour me blesser ? Pour me faire payer d'avoir rompu avec lui ?!

"Tu l'aimes ? Tu l'aimes vraiment Loan ? Réfléchis bien. Est-ce que tu éprouves un amour sincère et durable envers Gwen ?"

"Oui tout à fait. Je l'aime vraiment"
"Dans ce cas je vous souhaite beaucoup de bonheur"
"Merci"

Peu de temps après avoir retrouvé les autres au salon, Loan et Gwen décidèrent qu'il était temps pour eux de rentrer. Gwen exitée comme une puce et Loan beaucoup plus lointain. Quand les embrassades furent terminées, les dernières félicitations dites et qu'ils passèrent enfin le pas de la porte, je me sentis soulagée. Un poids énorme venait de s'envoler de mes épaules. Loan avait pris sa décision. Il liait son futur avec celui de Gwen et je fus la première surprise d'en être aussi heureuse. Il sortait enfin de ma vie et je ne cragnais plus cette épée Damoclès au dessus de ma tête.

En me retrouvant seule avec Arnaud, je fus prise d'une envie irresistible de lui sauter dessus. Il avait été tellement patient avec moi. Acceptant sans poser de questions mes sautes d'humeurs. Il était mon pilier et je savais que je pouvais compter sur lui et qu'un jour je pourrais tout lui raconter. Il pourrait peut-être même comprendre qui sait ? Mais ce soir-là je n'avais aucune envie de parler. Je voulais l'aimer et être aimée en retour.

Ce soir-là, cette nuit-là, il ne fut plus question de Loan. Il ne fut plus question de trahison, de mensonge. Il fut juste question d'amour.

Des mois plus tard...